Chez Sonia, le soleil en héritage
Il y a des lieux qui ne cherchent pas à impressionner. Qui se contentent d’accueillir, de raconter, de réchauffer. Chez Sonia, dans le 17e, on pousse la porte comme on franchirait une frontière invisible : celle d’un ailleurs, enveloppé de lumière et de parfums anciens.
Le cadre, baigné de blanc et rouge, oscille entre délicatesse et éclat. Chaque reflet sur la nappe, chaque pli dans le tissu semble là pour une raison précise : nous préparer à ce qui va suivre. Une parenthèse. Une halte suspendue dans le tumulte parisien.

À la carte, la mer se mêle au sable, le végétal à la braise, la tendresse des viandes au parfum des épices. La cuisine s’inspire du Sud, du large, du cœur. Elle dit le Maroc, bien sûr, mais aussi cette Méditerranée plurielle, généreuse, hospitalière. Une kemia à partager comme un prélude joyeux, des pastillas dorées, du couscous fondant et vibrant, des tajines où l’agneau, lentement confit, se défait à la seule caresse d’une cuillère. À chaque plat, une évocation, un souvenir, un voyage.

Et dans cette partition gourmande, la viande tient son rang, choisie auprès d’un orfèvre parisien du goût : Hugo Desnoyer. On la devine respectée, choyée, traitée avec le soin que l’on réserve à une matière noble. L’agneau y est soyeux, le bœuf presque voluptueux, la cuisson toujours juste, comme si chaque morceau racontait lui aussi une histoire.

Derrière cette table au nom doux, deux regards veillent. Celui du chef Stéphane Lemarchand, passé par les grandes maisons, qui marie rigueur française et souplesse orientale avec une élégance fluide. Et celui de Fatéma Hal, femme de lettres et de goût, qui a soufflé son âme dans cette carte comme on souffle une bénédiction. Sa vision d’une cuisine en partage, instinctive et profondément humaine, infuse chaque plat d’une chaleur qui dépasse l’assiette.

Ici, les épices ne cherchent pas à dominer. Elles accompagnent. Elles élèvent. Elles murmurent plus qu’elles ne tonnent. Le cumin caresse, le safran suggère, la coriandre éveille. On ne vient pas chercher le feu, mais la profondeur.

Chez Sonia, on se sent bien. Comme dans une maison amie. Le service est doux, présent sans excès, attentif sans effusion. Il y a dans ce lieu quelque chose de rassurant, d’intime. Une façon de recevoir qui désarme.
Et puis, il y a le couscous, signature évidente, presque sacrée. On pourrait en faire un poème. Chaque grain, léger et beurré, évoque les gestes lents de celles qui savent. Les légumes fondent avec grâce, les jus concentrent le soleil. Un plat simple en apparence, mais qui, ici, devient un manifeste.

Alors on s’attarde. On oublie l’heure. On prolonge le thé à la menthe comme un dernier mot doux. Chez Sonia, on ne vient pas seulement pour bien manger. On vient pour se reconnecter à quelque chose de plus ancien, de plus vrai. Une mémoire. Une chaleur. Un art de vivre.
115 Avenue de Villiers, 75017 Paris