
Chef Maori Murota
- Bonjour Maori ! Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Maori Murota. Je suis une cuisinière autodidacte qui travaille à Paris. Ça fait presque 10 ans que je pratique ce métier, après avoir quitté le milieu de la mode. J’ai fait beaucoup de traiteurs et d’événements culinaires, mais après la naissance de ma fille qui a maintenant 19 mois, j’ai diversifié mon d’activité afin de profiter d’elle (donner des cours de cuisines, créer des recettes, dessiner des illustrations pour le journal japonais Asahi Shinbun).
- Quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?
Née au Japon, j’ai grandi à Tokyo. A l’âge de 17 ans, j’ai déménagé à NY pour mes études. Ensuite j’ai habité quelque temps en Indonésie, puis j’ai passé 1 an à Tokyo pour étudier la mode. En 2003, j’ai déménagé à Paris pour finir mes études, puis j’ai commencé à travailler dans la mode. J’ai quitté ce milieu il y a 10 ans, puis je me suis consacrée à la cuisine.
- À quel moment avez-vous su que vous vouliez être chef ?
J’ai dû mal à me considérer comme une « chef ». Je ne pense pas être à ce niveau ! C’est peut-être personnel, mais le mot « chef » représente quelqu’un qui gère les autres dans un restaurant et qui a des techniques et connaissances de cuisine profondes.... Je me sens loin de ces ces qualités. Je n’ai pas fait d’école de cuisine, donc ma connaissance de la cuisine est très personnelle. Je travaille toute seule, et j’ai du mal à envisager de travailler « au-dessus » des gens.
Je me considère comme une cuisinière car je cuisine pour vivre et c’est ma passion bien sûr ! Ma cuisine est très familiale, et c’est la continuation d’une « cuisine de la maison », pas celle d’un restaurant. C’est également pour cela que j’adore donner des cours de cuisine. Je préfère dire que je partage mes recettes avec les autres, que j’enseigne quelque chose aux autres. Il y a des petits trucs à respecter, mais toutes mes recettes sont, du moins je l’espère, simples et faciles à réaliser par tout le monde et pour tous !
- Qu'est-ce qui vous motive, vous inspire quand vous créez une recette ?
La vie quotidienne à Paris, où il y a tellement de diversité et de cuisines d’origines variées, la mémoire de mes voyages, et le temps que j’ai passé avec ma famille au Japon.
Je vais très rarement dans des restaurants gastronomiques, j’aime plutôt aller dans des restaurants « étrangers » à Paris. Il y a tant d’immigrants qui se sont installés à Paris et qui tiennent de petits restaurants aimés par les gens du quartier. Les restaurants Chinois, Afghans, Éthiopiens, Mauriciens, Vietnamiens, Kurdes, Iraniens... Quelle richesse !!!!
Je dessine aussi pour un journal Japonais, le Asahi Shinbun, et fais des reportages sur ce genre de restaurants et sur mes recettes inspirées par leurs plats. Je discute beaucoup avec les propriétaires pour connaître leur histoire et celle du restaurant. J’ai croisé tant de personnes sincères et passionnées cuisiner la cuisine de leurs origines.
Aussi, je fais toujours des recherches sur les recettes traditionnelles des pays pour mon propre enseignement, je regarde Youtube pendant des heures pour savoir comment réaliser les plats, même si c’est dans la langue d’origine et que je ne comprends rien ! Mais au moins je vois les gestes et les ingrédients. J’adore faire ça ! J’aime beaucoup découvrir les cultures que je ne connais pas à travers les gens et la cuisine. Ça me motive tellement !
En m’inspirant de ces expériences, je crée des recettes fusions. J’espère vraiment, vraiment que ces petits restaurants que j’ai visités vont tenir malgré le confinement....
- Avez-vous des rituels avant de vous mettre à l'œuvre lorsque vous arrivez dans votre cuisine ? (musique, geste, habitude, superstition...)
Je dessine souvent les plats que je vais cuisiner. C’est comme ça que j’organise ma tête pour attaquer la création de la recette. Dessiner et cuisiner sont inséparables pour moi. Je prépare ma tasse de thé, je m’installe sur une chaise dans la cuisine, et je dessine ce que j’ai vaguement dans la tête. Ça m’aide énormément à rassembler mes idées et les rendre plus concrètes.
- Avez-vous un food mantra ?
Quand je cuisine, je n’ai que des pensées positives. Je cuisine en pensant aux gens qui vont déguster, à leur bonheur et à leur santé. La mentalité que j’ai quand je cuisine pour ma famille est exactement la même que pour mes clients. Je veux qu’ils soient heureux en mangeant mes plats.
- Quels sont les chefs ou artistes qui vous inspirent et dont vous admirez la présence au monde ?
Ma mère et ma grand-mère. Ce sont deux femmes qui ont toujours cuisiné des choses absolument délicieuses pour moi et pour leur famille. Elles ne sont pas des « chefs » ou des « artistes », or c’est justement la raison pour laquelle je les admire ! Elles ne cuisinent pas pour s’exprimer, elles cuisinent pour garder leur famille en forme et heureuse. Tous ces repas, tous les jours, pendant des années et des années, tout cela juste en pensant aux autres ; c’est incroyablement modeste. Il n’y a que de l’amour. Je suis encore très loin de leurs talents, mais j’espère être comme elles un jour.
- Quelles sont vos actualités du moment ?
Je n’ai rien de prévu pendant le confinement. Je ne cuisine que pour ma famille (ce qui est déjà pas mal !). Normalement, après le confinement, je continuerai à donner des cours dans différents établissements, chez des particuliers, et j’ai aussi des projets de livres. Tout cela se révèlera après le confinement !
- Quel est votre part du colibri, votre rôle selon vous, votre apport dans le monde de la cuisine ?
Inspirer les gens pour qu’ils cuisinent eux-mêmes avec mes recettes, particulièrement végétariennes. Aujourd’hui, je mange parfois du poisson, ou de la viande si je suis chez quelqu’un ou que je n’ai pas de choix, mais j’ai été strictement végétarienne pendant longtemps. Je cuisine de la viande pour ma famille, mais je ne suis pas très à l’aise avec l’idée de consommer des animaux élevés et tués industriellement, alors qu’on ne voit aucune trace de souffrance ou de mort sur les paquets de viande aux supermarchés. J’espère qu’on est un peu plus conscients de l’origine de la nourriture que l’on consomme aujourd’hui.
Moi personnellement, je souhaite que moins de viande soit consommée. Écologiquement aussi, c’est plus intéressant ! Mais on ne peut forcer personne. En parlant de la cruauté que subissent les animaux, je vais peut-être mettre les gens mal à l’aise, mais je crains qu’ils ne deviennent pas végétariens pour autant. Or si je leurs présente des bonnes recettes végétariennes, il y aura plus de chance qu’ils cuisinent de plus en plus de légumes. Et peut-être, éventuellement, qu’ils consomment moins de viande au total.
Si je réussissais à faire ça, ça me ferrait très plaisir.
- Quelle est la qualité que vous cultiver le plus ?
L’empathie : penser toujours aux gens qui mangent ma cuisine.
Et pour moi-même, la légèreté : toujours m’amuser en cuisinant.
- Si la fin du monde était prévue pour demain, quel est le dernier plat que vous aimeriez préparer ?
Pour moi, du bon riz et de la soupe de miso, avec un miso qui provient de la région de chez ma grand-mère et que j’ai mangé toute mon enfance.
Pour quelqu’un d’autre, je lui demanderai ce qu’il souhaite que je lui prépare.