Feelgood magazine
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Chef Anthony Denon

- Bonjour chef Denon ! Pouvez-vous vous présenter ?

 

Je m’appelle Anthony Denon, et je suis Chef exécutif au restaurant de l’Auberge du Jeu de Paume de Chantilly, La Table du Connétable.

 

- Quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?

 

Grâce à ma famille, je baigne dans l’univers de la cuisine depuis toujours. Mon père est chef au Bouillon Chartier de Paris, et ma mère travaille également dans le même groupe.

Mes souvenirs culinaires remontent tôt, et à 10 ans, je cuisinais avec mes parents.

Avant même mes 15 ans, j’étudiais à l’École Hôtelière. Puis j’ai été l’élève de Joël Robuchon, dont j’ai gardé un chaleureux souvenir, particulièrement le fait qu’il partageait beaucoup avec ses équipes. Ce dernier m’a ensuite présenté à Jean-François Piège ; j’avais un peu moins de 18 ans. Il était alors Chef au restaurant Les Ambassadeurs de l’Hôtel Crillon, où je suis resté 3 ans. Puis j’ai rencontré Christophe Saintagne, avec qui j’ai travaillé durant plus de 10 ans. 

J’ai également passé 1 an au Rech, chapeauté par Alain Ducasse, puis j’ai retrouvé Chirstophe Saintagne derrière les fourneaux de son restaurant bistronomique Papillon pendant 3 ans. 

Quand j’ai eu 26 ans, je me suis posé une question cruciale : étais-je capable de tenir un restaurant seul ? Que valais-je en tant que Chef dans un établissement qui sortait du cocon du monde du luxe ?

C’est en observant Christophe Saintagne que j’ai constaté que lorsqu’on a une révélation, un appel, et qu’on s’engage entièrement pour ce que l’on souhaite, on est un homme heureux, et ce même si l’on quitte l’univers des 3 étoiles. Il a acquis une liberté qui m’a inspiré, et j’ai compris alors qu’on pouvait faire de la grande cuisine avec des moyens très différents.

 

Les initiales de mes formateurs sont brodées sur ma veste de Chef, c’est mon petit hommage personnel

 

- À quel moment avez-vous su que vous vouliez être chef ?

 

C’est une passion que j’ai toujours eue, une profession de cœur. Cela ne m’a jamais fait peur. De plus, étant l’aîné d’une fratrie, j’ai toujours eu une âme de grand frère. Je sentais que j’étais tout aussi fait pour la cuisine que pour le management d’une équipe. Je ne veux pas être hors de portée : je cuisine avec elle, je touche à tout, je participe !

 

- Qu'est-ce qui vous motive / vous inspire quand vous créez une recette ?

 

J’ai une solide base nourrie par le goût de la grande cuisine française. Mais aujourd’hui, mon but est de rendre cette cuisine contemporaine, et de mettre en avant des produits régionaux. Comme disait Alain Ducasse, « Le rôle du cuisinier commence là où s’arrête celui de l’artisan ». On est toujours à la merci des produits, alors je fais attention à ne pas les dénaturer. J’aime travailler avec les agriculteurs locaux, telle que la champignonnière de Chantilly ou d’autres petites entreprises du Val d’Oise, mais je reste aussi attaché aux producteurs que je connais depuis que j’ai travaillé avec Alain Ducasse. Cela fait un savant mélange d’inspirations.

Dans ce sens, je souhaite remettre au goût du jour les mets de Picardie. Le pâté d’anguilles, par exemple, est un plat phare là-bas. On s’est retourné l’esprit dans tous les sens afin de le réinventer et de proposer une version 2.0 !

Reconnecter avec la convivialité, raconter une histoire grâce aux plats, profiter d’un bon moment et de bonnes choses, c’est le plus important.

 

 

- Avez-vous des rituels avant de vous mettre à l'œuvre lorsque vous arrivez dans votre cuisine ? (musique, geste, habitude, superstition...)

 

Avant chaque service, je reparle des plats avec l’équipe, afin que l’on se remémore leur histoire. C’est aussi à ce moment que l’on passe les détails en revue !

Aussi, dans mon bureau, je conserve les photos de mes formateurs, et les initiales de leur nom sont brodées sur ma veste de Chef. C’est mon petit hommage personnel.

 

- Avez-vous un food mantra ? (une pensée positive sur la cuisine ou une expression).

 

Manger moins, manger mieux. 

 

- Quels sont les chefs ou artistes qui vous inspirent et dont vous admirez la présence ?

 

Ma famille d’abord. Mon éducation a fait la différence dans ma carrière. Voir ses parents se donner à 3000% est un enseignement qui marque. 

Ensuite, ma rencontre avec Christophe Saintagne. Il m’a autant formé à être Chef en cuisine que chef d’entreprise. Il m’a également appris à réaliser une carte en fonction de l’autre et pas seulement de ses propres envies ; en somme, d’être à l’écoute.

Sinon, un sportif : Thierry Henry. C’est quelqu’un qui n’est jamais satisfait et se remet toujours en question. C’est une force de caractère que j’admire.

 

- Quelles sont vos actus du moment ? (collaborations, projets, workshops, livre...)

 

J’aimerais faire prospérer La Table du Connétable, et pourquoi pas faire un potager. L’Auberge du Jeu de Paume me fait vraiment confiance et me donne les moyens dont j’ai besoin pour cheminer vers mes buts, et ce même en pleine période de Covid-19. C’est grâce à eux que mon équipe a pu me suivre jusqu’ici et travaille toujours à mes côtés. De belles choses sont à venir.

Je vais aussi participer à une Œuvre caritative pour l’Hôpital Necker. C’est une demande qui m’a énormément touché, car je me suis senti concrètement en capacité d’aider, de faire partie d’une grande action, d’un beau geste. 

 

- Quel est votre part du colibri (votre rôle selon vous, votre apport dans le monde de la cuisine) ?

 

Je ne veux pas vraiment avoir de « rôle », je suis davantage partisan de la démonstration quotidienne de ce qui m’anime. 

J’aimerais spécialement amener les gens à considérer et concilier une meilleure cuisine, plus légère et plus authentique (« Manger moins, manger mieux »). Après tout, nous sommes tous coupables de notre propre consommation. C’est un enjeu complexe, car personne ne peut se permettre de critiquer ou d’imposer quoique ce soit aux autres, et je ne veux surtout pas donner de leçons. Cependant, je pense qu’il y a une manière d’amener les gens à des découvertes, des prises de conscience, et c’est dans ce but que j’œuvre. 

À travers ma cuisine, je propose, et les gens disposent

 

- Quelle est la qualité que vous cultivez le plus ?

 

L’honnêteté. Le partage. Être franc avec mon équipe, et partager le savoir. 

C’est grâce à la qualité des rapports humains que l’on entretient que l’on tire le meilleur de nous-même ; alors cultivons de bons rapports ! Lors du Covid-19 par exemple, j’ai toujours remis en perspective et j’ai encore plus axé ma façon de travailler sur l’ouverture à l’autre. Cette période m’a ramené sur terre, ma carte a changé, même ma façon de cuisiner a évolué. 

Trop de gens sont frustrés et gênés de rentrer en contact avec la bonne cuisine. Je veux donc rendre ma cuisine accessible. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons aussi modifié nos prix.

 

- Si la fin du monde était prévue pour demain, quel est le dernier plat que vous aimeriez préparer ?

 

Le plat n’a pas d’importance, on fera quelque chose en famille ! Chacun amènera quelque chose, et on concoctera un met sur-mesure.

 

- Quelle recette simple de votre enfance ou de vos souvenirs, qui a toujours le don de vous faire voyager, pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?

 

Un poisson cuit au four avec de l’huile d’olive, du citron de Menton (au goût très prononcé), des tomates, et du basilic !

C’est un plat que j’avais réalisé à Monaco ; un grand souvenir.

Tous les ingrédients travaillent ensemble sans que l’on ait à intervenir !

Si possible, favoriser la papillote avec un autre élément que l’aluminium ; le papier sulfurisé fonctionne très bien. Au restaurant, nous essayons de nous départir des éléments nocifs ; ce n’est parfois pas évident, mais nous nous réinventons !

 

Merci Chef pour ce temps précieux et ce partage 

La table du Connétable, 4 rue du Connétable, 60500 Chantilly.

Réservation  tableduconnetable@aubergedujeudepaume.fr

 

Interview menée par Alexandra Hérault, Rédactrice Culture & Société pour Slowway magazine.
Crédit photos ©La table du connétable tous droits réservés.