
Sarbacane, l'appel à l'éveil
Créée en 2003, la Maison d’édition Sarbacane propose un catalogue surprenant de BD ainsi que de romans destinés à la jeunesse, les jeunes adultes et les adultes. Pour le moment, cela semble plus ou moins ordinaire. Mais là où Sarbacane se démarque, c’est qu’au cœur de son intention éditoriale battent les tambours de l’appel à l’éveil.
Donner envie de lire n’est pas un projet aisé. Lorsqu’il s’agit d’albums illustrés notamment, l’image peut facilement mirer un réel animé par la vision de l’auteur où le texte se noie, son impact sans commune mesure face aux dessins bien trop imposants.
Sarbacane a choisi les deux. Au gré des pages, les mots et les images sèment leurs idées enchanteresses et appellent à l’ouverture. Mais pas seulement à l’ouverture de l’objet : à l’ouverture des sens et de l’esprit. On a envie de parcourir ces histoires, de les envisager, de les vivres, de les comprendre. Les sujets sont variés et ne connaissent aucune restriction. Aussi, vous trouverez des ouvrages sur l’écologie, l’amour, le partage, la guerre, l’injustice, l’immigration, le rejet… Avec toujours beaucoup d’humour et de poésie.
Et comme l’un peut tout à fait aller avec l’autre, les ouvrages sont à la fois éthiques et beaux ! En tant qu’acteur conscient de l’environnement, la Maison Sarbacane a instauré un partenariat avec Reforestaction. Les publications sont donc imprimées en France, avec du bois issu de forêts gérées durablement, de sources contrôlées, et certifiées par Imprim’Vert, une marque ayant pour objectif de favoriser la mise en place d’actions concrètes conduisant à une diminution des impacts de l’activité d’impression sur l’environnement. Dans cette optique, les encres sont à base d’huiles végétales, et les différents matériaux impliqués dans l’impression sont écoresponsables.
Au travers de cette sélection de 3 albums particulièrement riches de sens, l’ambition artistique de la maison Sarbacane prend tout son sens. Chacun dans leur style, ils incarnent une manière de se relier à une forme de discipline qui nous propose de nous reconsidérer nous-mêmes, mais également nos proches et notre environnement, en tant que parties intégrantes de notre compréhension du monde. 3 albums, 3 tranches de vie (adultes, enfants, jeunes enfants). À étudier sans modération.


« Ama », par Franck Manguin (scénariste) et Cécile Becq (autrice, illustratrice) : cet album est une merveille. Esthétiquement parlant, il nous installe au creux d’une force douce, d’une densité représentée par la couleur bleue –principale trame colorée de l’ouvrage, qui nous renvoie à la puissance fougueuse, mais aussi à l’inertie de l’eau. C’est sans doute toute la complexité de la place de la femme au Japon qui est subtilement décrite ici. Parfois effacée, parfois figure incontournable d’une sagesse naturelle (comme les shamans des îles Ryuku et Miyako, les femmes Aïnous ou ici, les Ama), la femme japonaise oscille entre les extrêmes. Ici, la protagoniste semble fonctionner par passion, cherchant l’analogie émotionnelle. Finalement, la peur d’exprimer ses sentiments engendre une distance indésirable qui ne lui permettra jamais de se connecter pleinement à qui que ce soit. C’est sur une île, auprès d’un membre de sa famille, qu’elle renoue avec son instinct de femme sauvage et accueille son indépendance, cherchant toujours à équilibrer les élans de son cœur. Entre isolement -menaçant sa stabilité intérieure, et solitude -nécessaire au recentrement, elle doit choisir entre la tranquillité, et la véritable paix.
« Le Voyage de Kaï », par Joe Todd-Stanton (auteur, illustrateur) : destiné aux enfants, cette bande dessinée intriguera et fascinera les petits comme les grands ! A l’instar de sa mère, une petite fille téméraire et audacieuse saisit les rennes de son envolée pour s’engouffrer seule sur les chemins de l’aventure. Dans quelles circonstances un enfant choisit-il de se démarquer de ses parents ? Pourquoi ? Est-ce sûr de le laisser partir ? Mais aussi, l’aventure sera-t-elle à la hauteur de son besoin de se mettre en danger ? Moment déracinant pour l’enfant, chamboulant pour les parents, observer la force de caractère d’un petit être se lancer corps et âme vers la liberté est aussi un moment grandiose. Illustré magiquement, cette histoire emporte à la fois l’imagination et le cœur.
« Forêts. Et comment les préserver ? », par Amandine Thomas : dans une veine beaucoup plus pédagogique, cet album est un compendium d’informations, de définitions, de petits jeux et de (re)découvertes des merveilles de la Nature. Pourtant Mère, alliée, bienfaitrice, nous ne réalisons pas à quel point la capacité régénératrice de la Nature est systématiquement menacée par nos caprices et nos élucubrations. Bien qu’une prise de décision puisse être délétère lorsqu’inconsciente, cet ouvrage nous rappelle qu’au contraire, prendre une décision est une responsabilité bénéfique lorsqu’elle a pour but, non pas sa résolution exclusive, mais de se projeter de manière intégrative et plurielle. Ainsi, nous parcourons le monde, guidé par des enfants de toutes origines, qui au fur et à mesure de leurs réalisations, acceptent les états de fait et choisissent d’œuvrer en conséquence. De l’amour dans les dessins et de l’engagement via les mots : un mélange qui sait aussi bien enseigner, que motiver la ferveur protectrice qui sommeille en nous.
Maison Sarbacane : https://editions-sarbacane.com/